: Plateau de Bevaix. 1. Pour une première approche archéologique : cadastres anciens et géoressources. Neuchâtel 2004 : Musée cantonal d'archéologie et d'histoire, ISBN 2-940347-26-3 334 p.

: Plateau de Bevaix. 2. Histoire et préhistoire d’un paysage rural : le site des Pâquiers. Neuchâtel 2006 : Musée cantonal d'archéologie et d'histoire, ISBN 2-940347-32-8 392 p.

: Plateau de Bevaix, 3. Bevaix/Le Bataillard : occupations terrestres en bordure de marais. Neuchâtel 2008 : Musée cantonal d'archéologie et d'histoire, ISBN 978-2-940347-39-1 320 p.

: Plateau de Bevaix, 4. Etude géologique en contexte archéologique. Neuchâtel 2008 : Musée cantonal d'archéologie et d'histoire, ISBN 978-2-940347-40-7

: Saint-Aubin/Derrière la Croix. Un complexe mégalithique durant le Néolithique moyen et final. Neuchâtel 2003 : Musée cantonal d'archéologie et d'histoire, ISBN 2-940347-25-5c

Rezensiert für infoclio.ch und H-Soz-Kult von:
Elena Burri-Wyser

L’archéologie cantonale neuchâteloise a saisi l'opportunité offerte par les sondages et les fouilles autoroutières de l'A5 sur le Plateau de Bevaix et la région de Vaumarcus/Saint-Aubin pour développer un vaste programme d’archéologie du territoire et du terroir. Les cinq premiers ouvrages recensés ici permettent de dresser un panorama complet des occupations terrestres de la rive nord du lac de Neuchâtel durant la Préhistoire. Nous y adjoindrons les sites en cours de publication de la région d’Onnens dans le canton de Vaud pour dresser ce bilan qui se répète de site en site que nous pouvons résumer comme suit.

On trouve des occupations diffuses liées à des points d'eau durant tout le Mésolithique. Ensuite, le Néolithique moyen I est massivement représenté entre 4800 et 4000 av. J. C., avec surtout l'érection d'alignements de menhirs, des foyers à pierres chauffées et de véritables habitats, le tout fournissant notamment une céramique relativement abondante. Le Néolithique moyen II, contemporain des villages lacustres du Cortaillod, est par contre quasiment absent. On notera de rares foyers et une fosse-silo datés entre 4000 et 3800/3700 av. J. C., mais sans matériel associé. Ils pourraient correspondre aussi bien au début du Cortaillod classique lacustre qu'à une période de peu antérieure, dont la culture matérielle reste inconnue, en exceptant quelques tessons découverts à Saint-Aubin. Quelques foyers isolés de la fin du Cortaillod, entre 3500 et 3300 av. J. C., sont également présents, comme quelques traces du Néolithique final marquant surtout un renouvellement des structures mégalithiques (dolmens et menhirs). Le Campaniforme est régulièrement attesté par la présence de petits hameaux aux maisons longues trapézoïdales et la continuation du mégalithisme. Il existe des occupations terrestres sporadiques tout le long du Bronze ancien : au BzA1, à la fin du BzA2a et surtout à la fin du BzA2b/début du BzB avec de petits hameaux souvent situés aux bords de marais dans les trois derniers quarts du 16e s. av. J. C. Ensuite, le Bronze final, pré-lacustre et contemporain de l'occupation des baies, est également régulièrement attesté, comme les deux âges du fer, avec les premiers gros impacts environnementaux reconnus et les premiers drainages conséquents.

Au niveau de l’impact forestier, les premières colluvions liées à l’agriculture et au défrichement apparaissent vers 4000 av. J. C., mais elles restent très modestes jusqu’au Bronze final. Dans ce bilan synthétique, les premiers indices de véritable habitat terrestre contemporain des palaffites interviendraient à la fin du Bronze ancien, les traces du Néolithique moyen II et du Néolithique final relevant d’activités cultuelles ou agricoles en amont des villages lacustres, tandis que les Campaniformes n’ont jamais occupé les rives et que le seul témoignage de maison lacustre au Néolithique moyen I à Concise semble lié à des activités de pêche.

Le premier ouvrage exprime les attentes, les méthodes et les résultats des recherches. Une longue introduction, qui chapeaute toute la série des volumes dédiés à l’archéologie du Plateau de Bevaix, décrit la démarche et propose une synthèse générale des occupations par période, entre le Paléolithique et l'époque actuelle, ainsi qu’un recensement des ressources avec une interprétation des cadastres anciens. Ces synthèses, par ailleurs fort utiles, comportent parfois quelques confusions entre typologie, périodes chronologiques et cultures archéologiques. Le terroir et l'environnement sont abordés par l'étude des données historiques, des censiers, des cadastres, des cartes, de la toponymie, de littérature spécialisée, des sondages, des prospections, des résultats des sondages et des fouilles … et concernent l'occupation du territoire et la gestion des terres, les ressources hydrologiques et minérales, les blocs erratiques et les mégalithes, les cavités naturelles. Leur synthèse est suivie par l’exposé détaillé des données recueillies pour chacune des 19 zones qui découpent le Plateau de Bevaix et ses abords. Enfin, on trouve un résumé de chaque type de données pour l'ensemble du Plateau de Bevaix avec une représentation cartographiée. Ainsi, les ressources naturelles à toute époque et une interprétation des cadastres anciens et de la centuriation romaine sont disponibles pour la vaste région explorée d'environ 2 km sur 5 km entre lac et Jura et sont intégrés aux résultats des fouilles archéologiques, eux-mêmes utilisés dans le recensement des ressources. Une étude du mégalithisme (blocs erratiques, mégalithes, menhirs, empierrements et tumuli supposés) avec une discussion sur leur emplacement, la qualité des matières premières et les techniques de taille clôt l’ouvrage. Ici, les cartes, par ailleurs très soignées pour le reste des données, sont parfois confuses en raison de l'accumulation des renseignements qu'elles contiennent. Certaines hypothèses, comme le faible aménagement des menhirs sur des pierres de morphologie déjà adéquate, sont sujettes à discussion au vu de la découverte récente de blocs de grande taille fendus et aménagés à Concise. L'ensemble de l'ouvrage, au-delà des imperfections et des redites, contient des informations très intéressantes d’un point de vue régional ; il décrit surtout une démarche prospective qui conduit à la création d'une carte archéologique modèle en amont des interventions sur le terrain et permet d'intégrer au fur et à mesure les trouvailles dans un contexte large et d'enrichir les interprétations.

Deux suppléments complètent cette étude. Le premier contient les tirages papier au 1/10e des cartes de synthèse des ressources, des cadastres et des mégalithes. Le second, beaucoup plus intéressant, présente ces mêmes cartes sous forme numérique, en pdf, avec les calques des différentes données, ainsi que les bases de données, mettant à disposition des chercheurs une documentation fort utile. Nous nous réjouissons que ces cartes soient complétées par les données des occupations lacustres et des niveaux d'eau par période, déjà disponibles sous forme numérique.

Dans le tableau général du Plateau de Bevaix, le site des Pâquiers détonne très largement avec plus de 1000 trous de poteau attribués au Néolithique moyen II sur une surface de 1000 à 1500 m2. Nous nous permettons de mettre en doute cette attribution : d’une part la densité en trous de poteau paraît véritablement énorme et rejoindrait celle trouvée à Concise pour les structures confondues des 25 villages lacustres s’échelonnant entre Le Néolithique moyen et le Bronze ancien, dans des conditions sédimentaires optimales ! Il nous semble qu’une partie de ces structures est douteuse et que leur attribution au seul Néolithique moyen II ne peut découler d'arguments stratigraphiques : elle est fondée sur le fait qu'elles sont situées dans une zone où des colluvions datées de cette époque sont préservées. Mais alors pourquoi n’existe-t-il aucune trace de matériel associé, alors que la céramique Cortaillod, très bien cuite, est facilement identifiable ? Les trous de poteau, s'ils sont avérés, peuvent s’étager entre le Néolithique moyen I et le Campaniforme, deux périodes pour lesquelles il existe du matériel ; les colluvions pourraient alors s'être déposées entre deux occupations dont les niveaux seraient érodés … En l’absence de structures datées et de matériel associé, toutes les interprétations sont possibles. C’est d’ailleurs ce qui gêne en général dans les deux volumes consacrés aux Pâquiers. Ceux-ci auraient pu facilement être réduits à un seul en supprimant les manuels des méthodes OSL et C14 qui n’ont pas lieu d’être publiée ici, comme les données brutes. Ceci aurait évité quelques erreurs dans le report des numéros de dates et aurait interdit une séparation systématique des données architecturales, sédimentaires, typologiques, de datations … qui complique leur intégration. Surtout, il est souvent difficile ici de distinguer les données de l’analyse.

Tel n’est pas le cas de l’ouvrage consacré aux fouilles du Bataillard qui allie clarté et excellente intégration des données, avec une différence nette entre observations et interprétations. Un des points forts de ce site est la possible existence d'un monument mégalithique démantelé type dolmen qui n’est pas sans rappeler celui récemment restitué à Onnens.

En ce qui concerne Saint-Aubin, situé juste à l'ouest du Plateau de Bevaix, les données sont également clairement exprimées et séparées d’interprétations parfois poussées au-delà du raisonnable. Le site reste par ailleurs incontournable par son complexe mégalithique, son matériel céramique et lithique et son spectaculaire captage de source du Néolithique moyen I.

Les études géologiques des sondages de l'A5 dont l’interprétation globale s'attarde surtout sur le Tardiglaciaire et l'Holocène s’intègrent parfaitement à cette archéologie du Plateau de Bevaix, de l'exploitation de son terroir et de ses ressources. La dialectique entre lacunes sédimentaires en amont, colluvions datées en aval et zones de sédimentations préservées permet de proposer une synthèse des épisodes érosifs, interprétée ensuite en termes d'occupation du territoire selon que l'érosion est comprise comme découlant du climat ou d'un défrichement humain, voire des deux, en utilisant les données archéologiques. Son grand intérêt est de relier climat général (avec les variations du niveau d'eau), données archéologiques (datations des structures et des occupations) et données sédimentologiques. La claire délimitation entre données et interprétations permet d’ajuster les résultats en fonction des recherches et des nouvelles découvertes. Ainsi, les périodes de péjoration climatique du Cortaillod tardif, si elles correspondent bien à une remontée du niveau du lac, n'entraînent pas l'abandon des rives, mais le déplacement des villages en amont toujours en bord de lac, dans des zones actuellement exondées, avec seulement une diminution des possibilités d'occupation des baies, preuves en sont les établissements de Concise, de Neuchâtel-Funambule ou de Marin. Cette proposition est soutenue par les découvertes archéologiques et les prospections faites dans le cadre de l'A5 : les deux approches se complètent pour donner un panorama de l'impact sur le terroir des occupations et des possibilités d'établissement qui peut être étendu à l'ensemble de la rive nord du lac de Neuchâtel, des rives aux contreforts du Jura, du Néolithique à l'époque actuelle.

Ces cinq ouvrages cumulés donnent une excellente vision des occupations de l’arrière-pays des bords du lac de Neuchâtel, malgré des vestiges souvent fugaces et des conditions sédimentaires ingrates. Ils répondent ainsi parfaitement aux ambitions d'une archéologie du terroir nourries au début des grandes fouilles linéaires de l'A5, d'autant plus avec la publication en cours des dernières monographies qui préciseront le tableau.

Zitierweise:
Elena Burri-Wyser: Rezension zu: Annette Combe et Julie Rieder, Plateau de Bevaix, 1. Pour une première approche archéologique : cadastres anciens et géoressources. Archéologie neuchâteloise 30. Neuchâtel 2004. Zuerst erschienen in: Jahrbuch Archäologie Schweiz, Nr. 94, 2011, S. 303-304.

Redaktion
Beiträger
Zuerst veröffentlicht in

Jahrbuch Archäologie Schweiz, Nr. 94, 2011, S. 303-304.

Weitere Informationen